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LE COLLECTIF "PRISON PAR TERRE"

Nous constatons que le nombre de personnes enfermées ou placées sous main de justice ne cesse d'augmenter: il y a actuellement 250 000 personnes surveillées par l'administration pénitentiaire. La population touchée par ce contrôle social n'est pas représentative de la société française: l'État français concentre son contrôle sur les populations pauvres ou sur des zones géographiques particulières. Ainsi le collectif Prison Par Terre a comme objectif de s'interroger sur le rôle de la prison dans nos sociétés. Nous cherchons à échanger sur ce thème. Nous cherchons à créer ou à consolider des liens entre les personnes incarcérées et la "société civile", à nourrir des relations entre les organismes, les associations, les collectifs qui critiquent le milieu carcéral et sont solidaires avec les détenu-e-s et leurs proches.

CE QUE CACHE

"L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE DÉTENTIONS"

L'amélioration des conditions de détention et sa publicité finissent par éclipser l'indispensable débat sur la fonction sociale de la prison. L'administration pénitentiaire s'achète une humanité en construisant de belles prisons propres et colorées, mais à chaque fois les conditions d'enfermement y sont plus dures.  

 

Ne nous faites pas dire ce que nous ne dirons pas ici : une prison aux murs propres avec des cellules équipées de frigos, qui ne sentent pas la pisse et ne servent pas de terrain de jeu aux rats, sera toujours préférable. Mais nous ne pourrons accepter que ces petites améliorations  mènent à détruire les rares espaces de liens et de solidarité entre des prisonnièrEs. De la même manière, nous désirons que les détenuEs aient un libre accès aux téléphones portables et à internet, ou encore aux consoles de jeux-vidéos : car c'est surtout l'ennui et l'isolement qui détruisent les hommes et les femmes enferméEs, pas les murs dégueulasses.

 

« Prison surpeuplée ou population suremprisonnée ? », le Groupe Information Prison

 

Afin de combler la soif de contrôle de l'Etat policier et sécuritaire, l'Etat français place toujours plus d'individus sous son joug. L'Etat balance notre fric pour construire des nouvelles prisons qui sont de plus en plus éloignées de la société civile, et qui permettent l'enfermement de toujours plus de gens. Parfois, aussi, lorsqu'une vaguelette d'indignation parcourt la société française, l'administration pénitentiaire s'emploie à rénover certains bâtiments. 

 

A chaque nouvelle construction, ministres, voire présidents se pavanent dans des murs vides afin de montrer l'humanisation des prisons : murs aux couleurs soi-disant psycho-calmantes, cellules avec un seul lit et douche, salle de sport remplie de matériel Décathlon... A chaque fois, ils se glorifient de ces nouvelles prisons. Mais ils se flattent de murs dont le seul objectif est d'enfermer, isoler et briser des individus, lesquels dans une large majorité proviennent de la pauvreté et des classes défavorisées. Car les murs des prisons enferment surtout les pauvres…

 

« Les gens préfèrent vivre avec des cafards que sans relations sociales. » Jean-Marie Delarue, Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté.

 

Une fois les prisonnièrEs arrivéEs, l'histoire est tout autre. Ces nouveaux lieux d'enfermement, qualifiées de « prisons modernes et  dignes », se révèlent les pires à vivre car l'isolement est renforcé. Tout est fait pour éviter les contacts entre les enferméEs, les 22 heures sur 24 passées en cellule ne trouvent plus d'exception : il n'y a plus de douches collectives, il n'y a pas d'activités, ni de travail...

Ainsi, on durcit les conditions d'incarcération en renforçant l'isolement et l'ennui. Lorsque les prisonnièrEs commencent à habiter les lieux, les ministres sont partis, les médias ne sont plus là, mais la souffrance perdure. Pour preuve, la Maison d'Arrêt de Corbas près de Lyon. Ouverte en grande pompe en 2009, elle a connu le plus haut taux de suicide durant les trois premières années après son inauguration , car tout est fait pour y limiter les contacts humains. L'ouverture automatique des portes en est un bon exemple. 

 

« Humaniser les prisons » : un leitmotiv qui étouffe les critiques sur la fonction sociale de la prison. 

 

Depuis trop longtemps maintenant, l'humanisation des conditions d'incarcérations est le crédo des discours sur les politiques carcérales. Mais ces interventions qui se limitent à améliorer la propreté permettent de mettre des millions d'euros dans la sécurité de ces lieux d'enfermements. Autant de millions qui ne serviront pas à proposer des activités dans les prisons ou à faciliter les sorties des détenuEs.  Surtout, cette stratégie permet de se donner bonne conscience. Comme si des conditions d'incarcération dignes / hygiéniques, pouvaient rendre tolérable l'intolérable qu'est l'enfermement, et l'isolement qui en découle. 

Les murs repeints et autres fioritures ne pourront rendre les prisons humaines. Car ce qui est inhumain dans la prison, c'est la prison elle-même.

 

LE MIRAGE DES PEINES DÎTES « ALTERNATIVES »
 

La prison continue de remplir sa fonction de contrôle des pauvres.
Les peines dîtes alternatives n’en sont que la continuité.Jamais la prison n’est parvenue à remplir sa mission de réinsertion sociale. Toujours les gouvernements se sont acharnés à créer de nouvelles peines, dites « alternatives » pour s’y substituer. L’histoire est connue et, sans cesse, se répète ; tous les quinze ou vingt ans, on vient nous proposer la création de nouvelles peines ou de nouveaux aménagements. Après le sursis avec mise à l’épreuve (SME) de 1958, les travaux d’intérêt général (TIG) de 1983, la surveillance électronique de 1997, le dernier Gouvernement a inventé, en août 2014, le nouvel outil qu’ils disaient nous manquer : la contrainte pénale.


Nous préférerons toujours une peine qui limite l’isolement, mais l’enfermement et le contrôle restent intolérables. Qu’ils aient lieu entre les murs de son appartement ou ceux d’une cellule.


Nous voulons plutôt dresser un bilan des peines soit disantes alternatives. Vendues comme autant de palliatifs au désastre pénitentiaire si souvent dénoncé (surpopulation, vétusté, manque de budget...), chacune de ces peines s’est illustrée par son incapacité à honorer les illusoires missions qui lui étaient confiées. Pire, chacune d’entre elles a sans aucun doute contribué à nier les problèmes structurels d’une justice et d’une prison victimes de leur emballement et asphyxiées par leur propre logique répressive.


Ainsi, aucune de ces peines n’a permis d’endiguer la surpopulation dans les prisons. Aucune de ces peines n’a permis de reléguer l’enfermement au rang de vieux réflexe archaïque. Aucune de ces peines n’a permis de rééquilibrer la balance punitive de la justice pénale. En 1980, la France comptait 37.000 personnes détenues, en 1990, 45.000 et en 2000, 51.000. Au 1er avril 2016, elle en comptait 68.300...


A la place, chaque « innovation » a contribué à étendre le filet pénal et à placer sans cesse plus de monde sous main de justice. Ainsi, aujourd’hui, plus de 250.000 personnes sont sous surveillance et tenues de rendre régulièrement compte de leurs situations personnelles et/ou professionnelles à la justice. L’équivalent de la ville de Bordeaux.


Ces peines sont-elles alors des « alternatives » ? Non. Il y a fort à parier que la grande majorité des personnes qui subissent ces peines ne se seraient, sans elles, de toute façon pas retrouvé.e.s enfermé.e.s. Il faut effectivement savoir qu’un travail, une formation, un logement et une famille se présentent comme autant de gages d’insertion exigés par le système judiciaire. Ce sont donc des arguments efficaces permettant d’échapper à l’incarcération. Mais, parallèlement, ils conditionnent l’accession aux peines dites alternatives. Ainsi la justice organise l’illusion d’un traitement de faveur en renforçant en vérité son emprise sur des femmes et des hommes qui, quoi qu’ils en soit, ne sont pas les destinataires recherchés des mesures d’enfermement.


Les peines dites alternatives ne sont donc en rien un moyen d’échapper à la prison. Au contraire, elles permettent de contrôler plus intensément les pauvres en développant un continuum de surveillance: du contrôle extérieur à l’enfermement.
 

                                                                    

                                                                                    Collectif Prison Par Terre


 

LA RÉELLE FONCTION DE LA PRISON : DOMPTER LES PAUVRES

« SE LEVER POUR 1200, C’EST INSULTANT »/ SCH

On nous fait croire que la prison, l'enfermement et la surveillance des juges et de l'administration pénitentiaire permettent d'éviter des crimes, même si on dit en même temps que la prison est l'école du crime. Cette contradiction amène à nous interroger sur la subsistance d'une institution qui a été cent fois critiquée, mille fois aménagée mais rarement questionnée. Si la prison ne réussit pas à éviter les crimes, si elle ne réussit pas non plus à amender les criminels, et au delà de l'intolérable destruction des hommes et femmes enferméEs, que réussit la prison ?


« Y'A QU'LE SHIT QUI CRÉE DE L'EMPLOI »
/ NEKFEU


Actuellement, on enferme de plus en plus d'individus: en 6 ans, il y a eu plus de 10.000 détenus en France, soit 16 % de plus. C'est énorme. Pourtant, la prison ne s'adresse qu'à une frange très spécifique de la société.
Les personnes enfermées sont les personnes pauvres ou révoltées, avec un parcours de vie peu normé : soit parce que le juge considérera que ce parcours n’est pas assez stable, soit parce que ce parcours rend nécessaire de se tourner vers une autre forme que le capitalisme pour gagner un peu d'argent.
Si de preuves il y a besoin : 85 % des prisonnierEs ont un diplôme égal ou inférieur au CAP, et 62 % sont des ouvriers ou employés (contre 50 % dans la société en 2007). Les lois sont déclarées s'appliquer à toutes et tous de la même manière. Dans les faits, cela semble n'être qu'une vaste escroquerie. La prison a comme rôle de classer socialement les différents illégalismes: elle permet d'isoler certaines formes de délinquance, la délinquance des plus pauvres.

« NIQUE SA MÈRE LA RÉINSERTION »
/ LUNATIC


Accepter un travail d'esclave, c'est ce à quoi aboutit la prison et sa soi-disant réinsertion (les enferméEs et surveilléEs ont-ils/elles déjà été inséréEs dans cette société ?). Les coups de bâton, les geôles, la violence ont toujours fait leur oeuvre : l'isolement et l'enfermement brisent nos velléités de révolte contre le système capitaliste.
Mais la prison n'impacte pas seulement les révoltés, les indociles. Elle rend tolérables les miettes que nous avons gagnées à coup de lutte contre le capitalisme. En divisant les classes populaires mais aussi en classant la société par sa gestion des illégalismes, elle rend normale la situation de travailleur précaire surveillé, de chômeur non-enfermé, contrôlé par Pôle Emploi. La catégorie du « délinquant » sert de repoussoir à toute non-conformité. La prison ne brise donc pas seulement par les conditions de vie qu'elle impose. Même si ces conditions venaient à s'améliorer, cela ne changerait pas grand-chose à « l'efficacité » du mécanisme : gérer une population réputée non-insérable, prise souvent dès l'enfance dans une carrière judiciaire morbide, et l'isoler du reste de la population dite « défavorisée » mais « honorable.»
À l'extérieur du cadre

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